Le Stabat Mater de Pergolèse

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Pergolèse est une icône du répertoire baroque, indissociable de son Stabat Mater à l’instar de Mozart et de son Requiem, car tous deux ont connu la même destinée tragique d’une mort précoce autour du mythe de l’oeuvre ultime écrite dans la souffrance de la maladie et de son inéluctable issue…

Issu d’une famille modeste, le jeune Pergolèse a une santé très fragile, il est atteint de la tuberculose et a une jambe déformée qui le fait boiter mais il se démarque dès sa jeunesse par ses dons en musique et poursuit brillamment des études dans un conservatoire catholique à Naples.

manuscrit Stabat Mater Pergolesi

Profondément napolitain dans sa vocalité et son débordement mélodique, il écrit très rapidement des opéras et des intermèdes qui connaissent un immense succès, laissant dans l’ombre ses autres compositions ; mais ce sont pourtant les oeuvres maîtresses de son répertoire de musique religieuse qui contribueront grandement à sa renommée posthume, avec notamment son Stabat Mater.

Le Stabat Mater est une pièce musicale composée sur un texte de la liturgie catholique qui relate les souffrances de la Vierge Marie lors de la crucifixion de son fils Jésus Christ. De nombreux compositeurs ont écrit un Stabat Mater à toutes les époques, mais celui de Pergolèse est considéré comme l’archétype de la déploration et constitue l’une des oeuvres les plus poignantes de la musique baroque.

Ecrit simplement pour deux voix (alto et soprano ou haute-contre et soprano), cordes et basse continue, il comporte 12 séquences alternant solos et duos où chaque mouvement a son caractère et sa mélodie propre, à la fois proche de Dieu et de l’opéra, l’oeuvre mélange profondeur spirituelle et style galant.

L’écriture de Pergolèse est recueillie mais toujours chantante, elle se caractérise par un profond sens dramatique ainsi qu’une vérité d’expression très émouvante et une spontanéité remarquables.

Biographie

G.B.-Pergolesi, anon. napolitain XVIIIe

 

Giovani Battista Pergolesi, Draghi de son vrai nom, nait à Jesi en 1710 dans la province d’Ancône et tient son nom du village de Pergola dont sa famille est originaire. Pergolesi reçoit ses premiers cours de violon de Francesco Mondini, et de théorie élémentaire avec le maître de chapelle de la cathédrale de Jesi, Francesco Santi.

Il entre vers 1723-1731 au conservatoire « dei Poveri di Gesù Cristo » de Naples, l’un des quatre conservatoires historiques de Naples, fondé en 1589 par Marcello Foscataro, un moine franciscain. A l’origine, c’était une école où les orphelins napolitains recevaient une éducation scolaire et professionnelle de qualité.

Il y suit les cours de composition de Francesco Durante (1684-1755) maître de chapelle au conservatoire, et ceux de Domenico de Matteis pour le violon ; Pergolesi y sert comme chanteur puis comme violoniste et premier violon, et selon l’usage, il participe à l’enseignement des élèves moins avancés.

A partir de 1731, ses premières compositions lui permettent de se faire connaître du public et sa carrière musicale prend son essor avec sa nomination comme maître de chapelle du prince de Stigliano, écuyer du vice-roi de Naples. Pergolèse devient une personnalité de la musique, grâce à ses opéras bouffes et ses intermezzi, il triomphe en 1733 avec La Serva Padrona ; sa musique vocale sacrée, ses motets et sa musique de chambre restent dans l’ombre.

Sa santé précaire le conduit à se retirer au couvent des Capucins de Pozzuoli en 1736 où, très malade, il termine à bout de force son Stabat Mater pour la Confrérie dei Cavalieri di S. Luigi di Palazzo. Miné par la tuberculose, il meurt à l’âge de 26 ans.

La courte carrière de Pergolesi n’aura duré que six années mais dès l’instant où sa mort fut connue, toute l’Italie manifesta le vif désir d’entendre et de posséder ses œuvres ; ainsi, l’œuvre de Pergolesi connu un immense succès et plus de trois cents opus lui ont été attribués mais seulement une trentaine ont été reconnus comme authentiques.
Son intermezzo La Serva Padrona fut joué dans toute l’Europe et provoqua en 1752 à Paris, la célèbre querelle des bouffons qui opposait les défenseurs de la musique française aux partisans de la musique italienne, ce qui fit radicalement évoluer la musique française en préparant le lit de la période classique.

Origine du Stabat Mater

Le Stabat Mater est sans nul doute un des textes sacrés les plus poignants car il reflète la douleur, la compassion d’une mère qui voit mourir son fils dans la plus grande des souffrances.

Le texte (ou séquence) de 20 strophes de 3 vers serait attribué à JACOPONE da TODI (1230-1306), moine franciscain, originaire de la province d’Ombrie en Italie.

Le Stabat Mater est à la fois un poème médiéval d’inspiration sacrée et une composition musicale du type oratorio ou motet, basée en tout ou partie sur ce texte. Il appartient à la catégorie des « séquences » ou « proses » qui sont des textes chantés à la messe entre l’épître et l’évangile, et aussi pendant les chemins de croix car cette séquence fait également partie de la liturgie du vendredi Saint, sous diverses formes.

Interdit par le Concile de Trente (1545-1563) comme de très nombreuses compositions musicales sacrées de l’époque, car considérées comme trop ornées pour mettre en valeur les textes qu’elles devaient illustrer, le Stabat Mater résista cependant à cette injonction de par la force de son texte qui suscita l’engouement des fidèles mais aussi le respect de compositeurs à l’immense talent comme Palestrina ou Pergolèse.

Stabat Mater - manuscrit dominicain XIIIe

Le caractère dramatique du texte a été une source d’inspiration qui perdure encore pour beaucoup de compositeurs qui l’ont adapté au style de musique de leur époque ou s’en sont inspiré et en toute langue, de la renaissance au contemporain, en passant par le baroque, le classique, le jazz, et…la techno…